Interview

Stijn D’Hondt convertit les battements de cœur en art

Actuellement très colorée, notre vitrine de Juttu Anvers cède la place à l’énorme drapeau Pride de l’artiste belge Stijn D’Hondt. Pas seulement un symbole imposant de diversité, mais aussi une histoire d’exception. Stijn a enregistré les battements de cœur de quelques personnes queers avant de les traduire en œuvre d’art. Entretien avec un artiste touchant…

« Je me sens rebelle, avec une bombe de peinture colorée à la main »

Les battements de cœur constituent la base de toutes tes œuvres d’art. Comment procèdes-tu exactement ?

« Lors d’une conversation approfondie, j’enregistre les battements de cœur de la personne que je rencontre avec un logiciel développé par mes soins. Les courbes que je capte par un capteur fixé au doigt de la personne inspirent mes œuvres d’art. Selon des études, notre état mental peut être décrypté à travers ces courbes. Des souvenirs, de la tristesse, une douleur, de l’excitation ou le bonheur à son état pur : chaque battement de cœur est unique et raconte quelque chose. »

Comment t’est venue l’idée de travailler le cœur ?

« J’ai perdu ma mère très jeune d’un cancer du sein. Son décès m’a fait prendre conscience que nous entretenions une relation difficile avec la mort dans notre pays. Aujourd’hui, le sujet est moins tabou, de belles initiatives ont vu le jour, mais à l’époque, il me manquait une forme de légèreté. Les œuvres que j’ai commencé à créer sous le label Artbeats sont une ode à la personnalité positive de ma mère.

En plus, les problèmes cardiaques sont fréquents dans notre famille. Les battements de cœur comme symbole de la vie sont donc à prendre à la lettre. Ne prendre aucun battement de cœur pour acquis, voilà ce que je veux exprimer à travers mes œuvres joyeuses et optimistes dotées d’un côté très fragile aussi. »

« Mes œuvres sont des rappels joyeux et optimistes pour profiter de chaque battement de cœur, jour après jour. »

Qui sont les personnes derrière ces battements de cœur colorés ?

L’année dernière, à l’occasion de ma première expo solo à Louvain, j’ai discuté avec des personnes qui, d’une manière ou d’une autre, étaient confrontées à la perte. Elles avaient dû dire adieu à un conjoint, une patrie, un corps sain pour ne citer que quelques exemples. Quelques semaines avant sa mort, j’ai également capté les battements de cœur de Tom Van Lysebettens, le chef cuisinier du restau gantois Cochon de Luxe. J’avais disposé quelques fragments de l’histoire à proximité de chaque œuvre exposée.

Récemment, j’ai voyagé seul à travers l’Amérique latine pendant sept mois. Au cours de ce voyage, une autre émotion m’a fait vibrer, celle de se sentir en vie. La célébration de l’amour et de la vie. J’y ai rencontré des personnes très différentes, d’un shaman à un artiste graffiti en passant par un galeriste ou les habitants des bidonvilles. » 

Tes battements de cœur à toi ont inspiré une œuvre d’art à plus d’une reprise.

« Je considère mon voyage comme une pause pour mon cœur. J’ai beaucoup travaillé ces dernières années (Stijn est aussi le copropriétaire du studio créatif Heren Loebas) et j’avais besoin de temps pour moi. En chemin, j’ai régulièrement enregistré mes battements de cœur ; à l’occasion d’un lever de soleil magique, au beau milieu d’un miracle de la nature ou au cours d’une rando intense dans la jungle par exemple. Chaque œuvre d’art qui en résulte est en fait mon alternative à la photo. »

L’art a cette capacité de connecter tout en apportant du changement. En as-tu déjà fait l’expérience ?

« Absolument. J’ai un exemple très concret dans les bidonvilles colombiens. Ils font partie des zones les plus dangereuses au monde, mais des changements ont l’air de se profiler à l’horizon. La criminalité est inscrite dans l’ADN, de génération en génération. Mais aujourd’hui, on voit des jeunes choisir radicalement une autre issue : s’exprimer de manière créative, à travers le graffiti par exemple. J’ai été très ému quand j’ai observé la facilité avec laquelle je pouvais convaincre toute une communauté à m’aider à peindre une place de couleurs vives. » 

L’œuvre actuellement exposée dans la vitrine de Juttu Anvers est une réinterprétation du drapeau arc-en-ciel. Pourquoi ?

« Le drapeau arc-en-ciel est coloré tout en étant linéaire. Chaque communauté dispose de son propre drapeau, et en fin de compte, tout le monde semble être prisonnier d’une case. Avec mon drapeau, je veux montrer que nous ne sommes pas des cases ! Nous sommes tous connectés, un méli-mélo de différences. Pour cette œuvre d’art, j’ai parlé avec toute une série de personnes queers pendant la Gay Pride à Mexico City. Leurs histoires et battements de cœurs ont donné cette explosion haute en couleur. »

Qu’espères-tu atteindre avec tes œuvres ?

« Je me sens rebelle, avec une bombe de peinture colorée à la main. Dans cette brève existence, la joie de vivre est essentielle pour moi. Je veux souligner quelque chose, mais pas en étant contre tout et tout le monde ou en le criant haut et fort. Non, j’opte pour de la couleur et du positivisme, même lorsque la vie ne coule pas de source. Mes œuvres ont l’air joyeuses et accessibles, mais chacune cache quelque chose. Libre à chacun de choisir jusqu’où il/elle souhaite aller dans son interprétation. Pour certains, elles sont thérapeutiques ; pour d’autres, ce sont des rappels joyeux et optimistes du fait qu’il faut profiter de chaque battement de cœur, jour après jour. »

L’œuvre de Stijn D’Hondt est exposée dans la vitrine de Juttu Anvers jusqu’au 13 août. Envie d’en savoir plus sur cet artiste sympathique ? Suis-le sur Instagram : @stijn_loebas

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